lundi 6 octobre 2014

Le lac texte

Le Lac, Alphonse de Lamartine, (1820)
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! Je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

" Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "


Le Lac fiche

 Fiche récapitulative.
Le Lac

         La souffrance du poète. L'expression de la solitude : « je viens seul// m'asseoir sur cette pierre »L'adjectif seul est mis en valeur par la césure à l'hémistiche.
- De plus l'opposition entre le présent : « je viens »V7 et « tu la vis »  le passé simple V 8.
-le son [R],  en assonance peut être interprété comme l'expression d'une dureté ou contribue à l'expression de la plainte. (Élégie ou registre élégiaque)
         Enonciation : le poète s'exprime à la première personne et les destinataires sont présents dans le texte, interpelés à la deuxième personne :  V 7, 10, 13 etc. : « Regarde ! Je viens seul m'asseoir », « Tu te brisais », « Nous voguions ». Registre lyrique, caractéristique du romantisme. « On se plaint quelquefois des écrivains qui disent moi. Parlez-nous de nous, leur crie-t-on. Hélas ! Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! insensé qui crois que je ne suis pas toi ! » Victor Hugo, Les Contemplations
         Evocation d'un souvenir heureux. Le cadre évoqué est idyllique et montre l'harmonie entre le couple amoureux et le lac. Celui-ci est paisible comme l'âme du poète : 4ème quatrain. 
-musique : « silence », « cadence », « harmonieux »
-diérèse sur l'adjectif « harmoni-eux »qui souligne la douceur du moment.
-musicalité des vers : les sons en [on], [in], [en] sont nombreux.
-rythme du vers 15 : 3/3/3/3 qui marque l'équilibre et la sérénité.
         La nature comme reflet de tous les états d'âme du poète : dans les moments de souffrance comme dans les moments heureux.
         La sensibilité romantique : La violence exprimée dans les verbes « mugissait », « brisait » « jetait » et dans l'adjectif « déchirés » présente dans le 3ème quatrain est une image de la passion romantique. Le lyrisme éclot ainsi : pour le romantique la passion est liée à la souffrance.
         Personnifications : La nature et le temps sont personnifiés régulièrement.
-Pour la nature : le poète ne pouvant s'adresser à sa bien-aimée, se confie à la nature, au lac notamment. Cela insiste sur sa solitude.
-La nature est un lieu de consolation pour le poète, comme une présence vivante.
-Pour le temps : l'adresse au temps, couplée de nombreux impératifs : « suspends ton vol », « laissez-nous »...ressemble à une imploration. Elégie.
·         Le thème du temps qui passe : Métaphore filée : Le temps est assimilé à l'eau. L'homme qui vieillit est comparé à un navigateur voguant sur les océans « des âges », les différentes époques de la vie sont des « rivages » et les hommes ne peuvent « jeter l'ancre ». La force de l'eau et du temps emporte tout. La métaphore maritime court le long du poème et se retrouve précisément à la fin de l'extrait : « port » « rive » V 35, 36
·         Rupture du système d'énonciation : A partir de la sixième strophe, c'est la « voix qui m'est chère » qui se fait entendre. La jeune femme apostrophe le temps et ainsi le personnifie. Le  rythme semble lui aussi varier selon le locuteur. L'alternance d'alexandrins et d'hexasyllabes dynamise le poème et donne plus de véhémence à la prière de la jeune femme.
·         Une invitation à jouir du temps présent.
-diérèse sur le verbe « jou-issons » qui est aussi à l'impératif. De nombreuses exclamatives et phrases injonctives (impératives) qui invitent le lecteur à profiter du moment présent. Le « je » devient « nous », le conseil individuel devient universel. (le « je » romantique a une dimension plus large)

Questions envisageables :
Dans quelles mesures ce poème apparaît comme romantique ?
En quoi ce poème est-il lyrique voire élégiaque ?
En quoi la musicalité du poème facilite-t-il l’expression des sentiments ?


Séances du vendredi 19 septembre au vendredi 3 octobre

Nous avons analysé le Lac de Lamartine en entier. La fiche récapitulative se trouve dans l'article portant le nom : Le Lac
-Définition du registre lyrique.
-Repérages des figures de style les plus importantes.
Méthode : 
-La question sur  le corpus. Faire une introduction en présentant les différents textes. Confronter les textes.
-exercice p 588, textes de Corneille et Ronsard sur le même thème : la fuite du temps, la beauté éphémère. 
-Vous avez dû rédiger une introduction et répondre à une partie de la question.

Rappel : Mardi 7 octobre : Devoir sur table : question sur le corpus.