« Non,
l’amour n’est pas mort » dans Corps
et Biens, Robert Desnos, 1930
Introduction
Le Surréalisme
est un mouvement de révolte et d’émancipation du langage et de l’art.
Autodidacte et poète inspiré, Robert Desnos a été longtemps considéré par les
surréalistes comme un « prophète ». Mais il s’éloigne du mouvement en
revenant vers un lyrisme plus proche du Romantisme. « Non, l’amour n’est
pas mort » réaffirme la
toute-puissance de l'amour, et se construit comme une réponse à ceux qui
pourraient dire que l'amour est mort, thème surréaliste par excellence. Il
s’inscrit dans la tradition du lyrisme amoureux, mais s'en
démarque par sa forme et le traitement des lieux communs poétiques.
Un poème
lyrique
- Énonciation
lyrique : 1ère et 2ème pers + mise en scène du poète lui-même (« Moi
qui suis Robert Desnos »)
- Le
destinataire du discours poétique est double (lecteur « Écoutez »
puis femme aimée « dis-toi »)
- Thème
lyrique : amour malheureux
- Lyrisme
aussi par la musicalité du poème + caractère d’oralité (répétitions, anaphores,
allitérations, assonances, vocabulaire et syntaxe simples / proches de l'oral)
=> il s’agit plus d’un « poème parlé » que d’un texte écrit.
Un hymne à l’amour
- Célébration
de la toute-puissance de l’amour, qui vaut la peine d’être vécu même s'il
est malheureux (souffrances, infidélités « des bouches se collent à cette
bouche »).
- Début du
poème : discours général sur l’amour (article à valeur générique
« j’aime l’amour ») puis discours sur l’amour que vit le poète
(déterminants possessifs et démonstratifs)
-
L’amour : source de bonheur et de souffrances («
tendresse »/ « cruauté ») ; engage tout l’être ;
unique ; éternel ; beau et pur => une vision finalement assez
traditionnelle.
Un éloge de la femme aimée
Célébration de
la femme aimée : « Mon amour n'a qu'un nom, qu'une forme » (v6)
et «Ô toi, forme et nom de mon
amour » (v8), la phrase négative restrictive reprise au vers 8 montre bien
que c'est cette femme qui incarne l'amour pour le poète.
La femme aimée
apparaît à travers des éléments du corps : « cette bouche »
(v5), « Ta voix et ton accent, ton regard et ses rayons » Ces
éléments sont utilisés traditionnellement dans la poésie comme « les
cheveux » (v20) et marquent une certaine sensualité comme dans le vers
suivant : « l'odeur de toi et celle de tes cheveux et beaucoup
d'autres choses encore vivront en moi »
- Le poète idéalise
la femme aimée (v. 17 : adjectifs et expressions mélioratifs
belle », « désirable », « parmi les merveilles »
et métaphore solaire du v.19 « ton regard et ses rayons »)
- Mise en
scène de la bien-aimée (v9 à13) dans des cadres multiples (naturel ou urbain,
nocturne ou diurne) => sorte de promenade sentimentale fantasmée
traduisant le caractère obsessionnel du poème + lieux peu décrits mais agréables
et harmonieux = reflets de la beauté de la femme aimée.
Un poème
qui s’inscrit dans une longue tradition
- Longue tradition :
lyrisme amoureux, célébration amour, idéalisation femme aimée.
- Références
explicites à Ronsard et Baudelaire.
- Reprise
de lieux communs poétiques : topos de la belle indifférente ;
topos de la fuite du temps ;
topos de la promenade sentimentale.
Le renversement des lieux communs poétiques
Pour se
démarquer, le poète renverse les lieux communs poétiques :
- La
« belle indifférente » reste belle même dans « la vieillesse et
dans la mort »
- « La
promenade sentimentale » est subvertie car elle ne s'est jamais réalisée
dans le réel.
- Robert
Desnos affirme la supériorité de la vie sur l'art (la gloire du poète ne vient
pas de son art, mais de l'amour fou qu'il a vécu) contrairement à ses
prédécesseurs comme
La modernité d’un poème surréaliste
Thèmes
surréalistes : amour fou + supériorité de la vie sur l'art.
Forme
« libre » : vers libres + versets + vers réguliers.
Ponctuation
très discrète : « coulée » de l'écriture automatique.
Caractère
d'oralité marqué : poème « parlé » ou « proféré » plus
qu'écrit.
Conclusion
Poème entre tradition et
modernité, renouvelle le lyrisme amoureux et réaffirme la toute-puissance de
l’amour.
Question envisageable :
En quoi la célébration de
l’amour et de la femme aimée renouvelle-t-elle la tradition lyrique ?
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