mardi 17 mars 2015

La mort de l'arabe fiche récapitulative



                      Fiche récapitulative : L’ Étranger, la mort de l’arabe, chap.6
(De : « j'ai pensé que.... » à la fin du chapitre)



Ø On retrouve des traits d’écriture habituels du narrateur lors du récit de cette scène qui relate pourtant un événement dramatique - il tue un homme-, une écriture de la sobriété. Le narrateur-personnage  semble étranger à toute volonté de s'analyser ou de se justifier.

    

§  le narrateur emploie beaucoup de phrases simples (phrases avec un seul verbe conjugué) : « J'ai fait quelques pas vers la source », « J'ai secoué la sueur et le soleil »....,. Les phrases sont brèves : (citer des exemples), et suivent le plus souvent l'ordre sujet, verbe complément : «J'ai pensé que.... », « L'arabe n'a pas bougé », « la lumière a giclé sur l'acier », «  La brûlure du soleil gagnait mes joues ...»

§  Il  propose un récit bâti autour d'une succession d'instants : les expressions temporelles : « Et cette fois », « Au même instant », « C'est alors que », « Alors, j'ai tiré encore », ainsi que la conjonction de coordination « et », montrent que le narrateur perçoit les événements comme  une suite de moments qui ne sont pas liés de façon logique, Meursault rapporte des faits, des gestes, sans chercher à en proposer une explication.

§  Les liens de cause sont incertains, ténus : « peut-être à cause des ombres », « À cause de cette brûlure....Je savais que c'était stupide ». Le lien entre le pas de Meursault et le geste de l'arabe n'est pas explicite, ni entre ce geste et le coup de feu.

             
Ø   Toutefois, des éléments d'écriture nouveaux présentent des images     d’apocalypse et soulignent la violence de la scène, il s'agit de comparaisons et de métaphores : le couteau sous l'effet de la lumière  est « comme une longue lame », « un glaive éclatant », « une épée brûlante », le narrateur sent « les cymbales du soleil », « Le ciel s'ouvre....pour laisser pleuvoir du feu ».
Les images présentent aussi le motif de l'aveuglement du personnage : la sueur recouvre ses yeux d'un  « voile », forme un « rideau ».
De plus,  les coups de revolver sont comme frappés « sur la porte du malheur ». Tout ceci, violence, aveuglement, malheur, confère au texte une tonalité tragique.

Ø    Meursault vit la scène à travers ses sensations : le champ lexical des sens est   très développé :
«  J’ai senti », « je ne pouvais plus supporter », « mes yeux étaient aveuglés », « je ne sentais plus », « j'ai crispé ma main », « j'ai touché »...

Ø Le tragique vient des éléments extérieurs, de la violence du feu, de la chaleur.
     Ce sont les éléments du cosmos qui semblent provoquer le geste de Meursault, « la plage vibrante de soleil » le « presse », « la mer », « le ciel ». L'accumulation des notations sensorielles incite à voir dans les effets du soleil et de la chaleur la cause de la mort de l’arabe : la « brûlure »  (terme répété 2 fois) du soleil est « insupportable  », engendre une violence insoutenable sur le corps « le front surtout.....battaient ensemble sous sa peau »,  « la   lumière.....m'atteignait au front », « je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front »...

Ø    Le récit semble donc décharger Meursault de toute responsabilité directe,

§  C'est peut-être parce que le « front » du personnage (le front est traditionnellement associé à la pensée et à la conscience) est altéré que le personnage commet un geste absurde pour se défendre d'une brûlure. De même, le geste de l'arabe n’apparaît pas explicitement  agressif, c'est seulement parce qu'il a été « présenté dans le soleil» que le couteau est devenu terriblement menaçant. Le tragique pour Meursault s'incarne ici dans la brûlure du soleil sur son corps souffrant, autant de forces qui le dépossèdent  de toute volonté consciente et qui le dépassent.(une fatalité qui vient d’une force extérieure=le soleil ; une fatalité qui vient de l’intérieur du personnage= ses sensations exacerbées sous l’effet de la violence du soleil)

§  Le choix des sujets des verbes montre à quel point l'acte est involontaire,  a échappé à son auteur : « tout a vacillé », « La mer a charrié », «  La gâchette a cédé », les actions semblent s'accomplir d'elles-mêmes. Lorsque Meursault emploie la première personne « J'ai crispé ma main », l'acte semble venir seulement d'un mouvement réflexe du corps. L'expression « J'ai touché le ventre poli de la crosse » montre à quel point il ne mesure pas les conséquences du geste accompli, au contraire il semble à ce moment trouvé un peu de douceur.


Ø   La conscience ne vient qu'après l’accomplissement de l’acte, il semble qu'elle ait été réveillée par le bruit des coups de feu : « J'ai compris »    « J'avais détruit …..où  j'avais été heureux. ». L’emploi du plus-que –parfait souligne le fait que cette conscience dégage alors de l’instant. Mais il s'agit plus de la conscience de la rupture d'un équilibre du monde, de la conscience d'une rupture, que de celle de la mort d'un être humain, désigné comme « un corps inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût. » Là encore, Meursault semble étranger à tout sentiment humain.


Ø On peut donc se demander qui est ce personnage  de Meursault:

§  une victime de forces qui ont conduit cette tragédie, d’un enchaînement de circonstances qui l’ont conduit là, sur cette plage, dans cette chaleur accablante, avec un révolver que, par une ironie tragique, il avait pris par précaution à Raymond pour qu’il ne tue pas ?
§  un inconscient, qui fait preuve d’une légèreté coupable, qui cherche un peu de fraîcheur auprès d’une source et ne se rend pas compte de ce que son attitude peut avoir de menaçant au vu de ce qui s’est passé auparavant ? Raymond  s’est déjà battu avec l’arabe et a été blessé, l’arabe peut donc légitimement penser que Meursault revient venger son ami. Il agit dans un état second, sans même se rendre compte de ce qu’il fait.
§  un homme absurde, dont l’existence tout entière n’a pas de sens, dont la vie et les actes n’ont aucune signification, et qui se rend compte à ce moment-là, dans cette situation dramatique, qu’il lui faut accepter ce destin qu’il n’a pas choisi, et qui donc tire encore quatre fois sur un corps déjà mort parce qu’il lui faut assumer ses actes et l’incohérence de son existence?



Un passage en tout cas d’une forte tension dramatique qui, tout en s’inscrivant dans la continuité de ce qui précède – ce sont les circonstances liées à la vie quotidienne d’un employé français à Alger un peu étrange qui l’ont conduit à accomplir l’irrémédiable -- , marque un tournant. Si le personnage reste opaque à lui-même pendant la plus grande partie du récit, il prend conscience à la fin de la tragédie qui vient de se jouer pour lui, choisit de l’assumer, et cette évolution s’accompagne d’un changement stylistique, ce qui est une des caractéristiques du roman de Camus.


Questions possibles :
Dans quelle mesure ce passage est-il tragique ?
En quoi le personnage de Meursault est-il un étranger ?
En quoi/ comment ce passage présente-t-il un tournant dans le roman ?
En quoi/dans quelle mesure le personnage est-il un anti-héros ?


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