mardi 10 mars 2015

les Animaux malades de la peste : fiche récapitulative



 « Les Animaux malades de la peste » Fables, Jean de LA FONTAINE,  (VII, 1)


Introduction :
Jean de La Fontaine a écrit deux recueils de fables divisés en livres. Le premier, publié en 1668, est dédicacé au Dauphin et le deuxième est publié en 1678. La fable prête à l’animal les qualités et les défauts de l’homme et le monde animal crée par La Fontaine est la représentation de la société du XVIIème siècle. Cela lui permet tout en évitant la censure  de critiquer certains comportements humains, le roi et sa cour. Ici, il s’agit de « Les Animaux malade de la peste ». C’est une fable issue du deuxième recueil du livre 7.

Une fable distrayante : alternance rythmée de récit et de dialogues. Plusieurs personnages
prennent la parole. Différentes tonalités (ironie, tragédie)
La situation initiale est présentée comme un conte mythologique. La peste est présentée comme un fléau terrible (auquel les lecteurs du XVIIème ont souvent été confrontés : plusieurs régions sont touchées par des épidémies durant le XVIIème.) La peste est définie par deux appositions avant d'être nommée, ce qui crée une attente progressive, pressante en gradation.

Personnification de la Peste : v.6 « faisait aux animaux la guerre », v.5 « capable d’enrichir en un jour l’Achéron ». La Fontaine la présente comme un monstre mythologique qui pervertit tous les rapports habituels entre les animaux. v11-12« Ni loups ni Renards n’épiaient/La douce et l’innocente proie. », v13 : « les tourterelles se fuyaient »

Registre tragique :
- Allitération en r : « répand, terreur, guerre »
- Hyperbole, vocabulaire violent, rimes masculines (fureur, terreur) : dureté
- Idée du destin,  Ciel ('Mal que le ciel en sa fureur. Inventa pour punir' : Dieu envoie un châtiment aux Hommes). Achéron référence aux enfers antiques,)
- 'les tourterelles se fuyaient : symbole de l'amour'
• Évocation nostalgique (imparfait), d'un temps normal sans peste mais où le loup mange la douce et innocente proie. Le souvenir annonce le présage qu'on sacrifiera encore l'innocent.

Des animaux qui représentent implicitement les Hommes :
Cadre de la scène : procès tribunal (champ lexical de la justice), intervention : plaidoyer, réquisitoire (Prise de parole par ordre hiérarchique (du plus puissant au plus faible))

Lion : roi, pouvoir, puissant, féroce, habile, intelligent, 'Le lion tint conseil': définit règles du jeu.
Renard : Le courtisan flatteur et hypocrite.
 Loup : beau parleur ('quelque peu clerc, prouva par sa harangue'), prononce le réquisitoire et accable l'âne pour ne pas avoir à s'accuser ensuite + insulte = cruauté (discours indirect libre)
Tigre et Ours : puissance, représentent la société aristocratique
Âne : bêtise, naïveté, honnêteté  « douce et innocente proie »
 Dans le discours élogieux du renard les moutons sont les représentants du 'bas peuple', profondément méprisé, et que l'on peut impunément exploiter.
·         Les différents intervenants : Le Lion d’abord, le Renard, l’Âne et enfin le Loup.
Le discours du Lion : Le Lion représente le pouvoir et parle en conséquence. Son ton est solennel mais son discours cherche l’approbation du public « Mes chers amis »v.15
Il exhorte chacun à confesser ses fautes pour que le coupable puisse faire office de sacrifice. Il utilise intelligemment la première personne du pluriel : v23-24 : « Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence/l’état de notre conscience »
Comme il le préconise pour les autres, il se confesse : « j’ai dévoré force moutons » mais paradoxalement la conclusion de cette confession ne semble pas le désigner comme le plus coupable… Peut-être que sa position royale impressionne les autres animaux et même la cruauté dont il fait preuve terrorise ses sujets… Il aime impressionner son public en affirmant même avoir parfois dévoré le Berger. La rupture métrique  (vers de 3 syllabes) v29 « le Berger » met en valeur ce nom et du même coup l’énormité de son péché. Le discours du Lion paraît logique mais il n’est en fait qu’une manœuvre pour contraindre les autres animaux de se désigner eux-mêmes.

Le discours du Renard : ruse, flatte, relativise le péché du roi. Le Renard se garde bien de faire son examen de conscience et maintient son discours dans la flatterie la plus exagérée : v38 «Vous leur fîtes en les croquant beaucoup d’honneur ». La stratégie s’avère efficace : il  prend la parole et ne répond pas à la question. Il n’utilise d’ailleurs jamais la 1ère personne du singulier.  Les sonorités du discours sont grinçantes : allitérations de [s] et[ r], ainsi qu’une assonance en [ i] confèrent au discours une extraordinaire hypocrisie.
 Le discours de l’Âne
• Par opposition à tous les autres animaux cités, l'Âne n'est pas un prédateur. Psychologiquement naïf, il prend au sérieux le discours du Roi, ignore la règle du jeu des courtisans. Il est honnête, mais un peu ridicule dans son sérieux.
• Sa 1ère faute est de vouloir imiter les grands: "L'âne vint à son tour, et dit:" Il utilise la même structure de présentation du Lion.
• Mais absence de connecteurs : donc absence d'analyse de la situation, il se contente de raconter les faits d'un souvenir : naïveté
• Il se rend lui-même coupable (v 54, d'avoir été tenté par le Diable)
• L'allusion au Diable et le pré de moines (les plus gros propriétaires fonciers de l'époque) ainsi que l'idée de gourmandise, intensifie sa faute : c’est le Ciel qui se venge, c'est donc lui le coupable
• Ses paroles sont prononcées dans un climat apparemment serein, ouvert. L'âne, rassuré et naïf, parle franchement.
• La Fontaine ici n'a pas recherché de rupture, mais une harmonie entre le personnage et sa parole. L'âne parle comme il est, sans masque.
• Surprise : réaction commune et immédiate de la foule: "à ces mots on cria haro". Le bouc émissaire est trouvé, (même empressement et unanimité qu'au vers 43)

Critique et ironie du fabuliste :
 'Sa peccadille (=petit péché, le loup dirait « crime abominable ») fut jugé un cas pendable' : opposition entre sa faute légère et sa conséquence tranchante . Discours indirect libre : c’est le Loup qui prononce ces paroles mais elles peuvent être endossées par le fabuliste qui lui utilise alors l’ironie : v59-60  'Manger l'herbe d'autrui ! Quel crime abominable'
La Fontaine critique clairement les puissants qui se dépêchent de s’exonérer de leurs fautes, il critique aussi les courtisans qui feignant de se conformer à la morale se gardent bien de faire leur examen de conscience. Cependant, La Fontaine raille également les petits qui naïvement prennent au sérieux les discours des puissants et ne peuvent pas ainsi faire reculer l’injustice.

Conclusion :  Par cette fable cruelle, le poète dénonce l’injustice criante de la société dans laquelle il vit mais y parvient par le détour. Il ne fait preuve d’aucune naïveté puisqu’il emploie les figures animales qui ne sont que les images des puissants, des flatteurs et du peuple. Ceux qui s’en offusquent se reconnaissent alors et se tournent en ridicule. La Fontaine ainsi dénonce efficacement l’injustice.







Questions envisageables pour l'oral.

 Cette fable est-elle morale ?
 Comment s’exprime l’art de la fable ?
 En quoi cette fable est-elle un apologue ?
 En quoi cette fable est-elle satirique ?
 Etudiez le mélange des registres - et leur portée - dans cette fable.
 Expliquez pourquoi cette fable correspond parfaitement au principe "instruire en plaisant" si       cher à La Fontaine.
 Que nous montre la comparaison des discours de l’Âne et du Renard ?
 Quels sont les procédés de la dénonciation dans cette fable ?




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